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stella maris

Puis elle fit alors une course effrénée ;
Comme une brume blanche elle effleura les eaux ;
Au moment périlleux, fatal de la journée,
Elle avait et le nom et l’aile des oiseaux,

Mais la nacelle en vain s’enfuyait, frémissante,
Le brouillard accourait plus vite qu’elle encor ;
Et bientôt la bourrasque éclata, mugissante,
Et rien n’arrêta plus son effroyable essor.
C’était un tourbillon sinistre de nuées ;
Les cordages vibraient et poussaient des sanglots,
Et le vent et la mer échangaient des huées
Qui semaient la terreur sur la terre et les flots.
Pâle, et les doigts crispés sur la barre solide,
Qui tremblait dans sa main et ployait sous l’effort,
Kervilo regardait, l’œil fixe dans le vide.
Qu’y voyait-il ? — Hélas, probablement la mort.

La petite Marie, en proie à l’épouvante,
S’était blottie en pleurs sur le sein maternel,
Et Jeanne la pressait, la cachait sous sa mante,
En lui disant : prions ensemble l’Éternel :
« Notre Père des cieux, disaient les deux voix pures,
« Délivrez-nous du mal ; grâce, sauvez nos jours.
« Ne laissez pas périr, Seigneur, vos créatures ;
« Et vous, Sainte Marie, au secours ! au secours ! »

Mais l’orage augmentait de fureur et d’audace.
L’onde en tourbillonnant s’élevait dans les airs,