« Admirez ce beaupré, cette mâture haute
« Qui dans les temps mauvais se courbe sous le vent,
« Cette poupe élégante et dansant sur la lame !
« Mais voulez-vous savoir pourquoi je l’aime tant ?
« C’est que la Mauve, amis, a l’air d’avoir une âme,
« Et lorsque je lui parle on dirait qu’elle entend ! »
II
Un matin de Novembre, une brise folâtre
Riait dans le feuillage et jouait sur les eaux.
L’aurore flamboyait, et la vague bleuâtre
Se moirait sous ses feux des reflets les plus beaux.
L’aube sur les coteaux versait sa lueur fauve,
Et lorsque le soleil parut à l’horizon,
Kervilo sur la grève appareillait La Mauve,
En chantonnant : « Le temps est beau pour la saison. »
Il allait s’embarquer, lorsque Jeanne et Marie
Accoururent, disant ; Bon père, emmène-nous.
Kervilo résista ; mais son âme attendrie
Céda, lorsque l’enfant embrassa ses genoux.
Le ciel était si pur, la mer était si belle !
Le soleil promettait un jour délicieux.
Ils partirent tous trois, et la blanche nacelle
Cingla légèrement entre l’onde et les cieux.