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le premier de l’an

— Jamais votre santé ne fut meilleure, il semble ?
— Oui, mais voici mon mal : j’ai quatre-vingt cinq
ans !


II


Lorsqu’une année après, ô maison paternelle,
À ton seuil bien-aimé je revins l’âme en deuil,
Mon père était allé dans sa maison nouvelle…
Quatre-Fourches s’était enrichi d’un cercueil.
La prophétie alors me revint en mémoire,
Vers le séjour des morts je dirigeai mes pas,
Et bientôt m’apparut une grande croix noire :
Mon frère me guidait, mais nous ne parlions pas.
Au sommet de la côte est un modeste marbre
Que mon frère indiqua du geste et de la voix :
C’est là que, sous un tertre où verdit un bel arbre,
Notre père repose à l’ombre de la croix.
Je sentis que des pleurs humectaient ma paupière,
Et cependant j’étais heureux sur ce gazon ;
Un souffle de bonheur s’exhalait de sa bière,
Je ne sais quelle joie emplissait sa maison…
C’est que mon père était un saint dans mon estime.
Et lorsque pour prier je me mis à genoux,
Ma lèvre obéissant à quelque force intime,
Murmura : dans le ciel, père, priez pour nous.
Des chrétiens de nos jours il était le modèle,