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échos domestiques


J’ai choisi comme site une belle colline
D’où l’œil peut embrasser un superbe horizon ;
un grand arbre l'ombrage, une croix la domine ;
Quatre-Fourches sera l’an prochain ma maison !

Quatre-Fourches ! c’était le nom du cimetière !
Mais en parlant ainsi mon père souriait,
Et son œil reflétait son âme calme et fière.
Ma mère, en l’écoutant, les yeux au ciel, priait.

Je pris un ton joyeux, et dis : votre entreprise
Dénote du courage et de la fermeté ;
Mais ne pensez-vous pas que dans ce temps de crise.
On ne peut être sûr de la stabilité ?
Les affaires partout sont mauvaises, mon père,
Et dans tous les pays souffrent les travailleurs ;
Si vous voulez fonder une maison propère,
Attendez, nous aurons bientôt des temps meilleurs,

— Je goûte ton conseil ; tu veux que je diffère ?
Mais ce n’est pas à moi de décider ce point.
Je ne suis pas le Maître, et cette grande affaire,
Le Maître la décide et ne consulte point —
Puis, me montrant le ciel : il faut bien se soumettre :
En toute chose, Il est l’arbitre des humains.

— Je comprends, dis-je il faut que je m’adresse au Maître ;
Et je baissai la tête, en lui serrant les mains.
Alors, jusqu’au bateau nous marchâmes ensemble,
Et l’entretien reprit, semé de mots piquants :