Vous vous en souvenez ?… Votre père était sombre,
Immobile et muet, assis dans son fauteuil,
Et votre pauvre mère, en longs habits de deuil,
Pour vous cacher ses pleurs s’agenouillait dans l’ombre.
Mais pourquoi rappeler ce triste souvenir ?
Le bonheur n’a qu’un jour ; la mort a l’avenir !
Votre frère adoré, votre sœur si gentille,
Laissaient leur place vide au banquet matinal :
La mort avait brisé la chaîne de famille,
Et frayé son chemin au seuil du toit natal !
Et vous vous disiez tous : hélas ! une autre année,
Ce sera moi peut-être, et peut-être ma sœur,
Et mon père ?… et ma mère ?… Et votre pauvre cœur
Pleurait en mesurant l’humaine destinée !
Mais pourquoi rappeler ce triste souvenir ?
Le bonheur n’a qu’un jour, la mort a l’avenir !
II
Merci, mon Dieu, merci pour les belles années
Que dans votre bonté vous nous avez données,
Et qui furent pour nous un éden enchanteur
Dont les roses, trop vite hélas ! se sont fanées
Sous le souffle de la douleur !