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albert

Qui ne s’est demandé, sous l’étreinte du doute,
Si le sombre chemin qu’il suit péniblement,
Est bien celui que Dieu, dans son amour immense,
Sur la terre d’exil avait marqué pour lui ?
En voyant des mortels l’immortelle démence,
Qui ne s’est senti pris d’un incurable ennui,
Et comme Jésus-Christ au jardin des Olives,
N’a refusé de boire au calice sanglant ? —

Albert en était là. Les douleurs les plus vives
Avaient brisé son cœur sous leur poids accablant.
En vain il résistait à ce flot de tristesse,
Qui montait dans son âme et qui la déchirait :
Le calice passait et repassait sans cesse,
Et dans le désespoir son pauvre cœur sombrait !

Vainement de la gloire il briguait la couronne.
Les lauriers ornaient bien son front intelligent,
Mais ils n’apportaient pas ce bonheur que Dieu donne
Et qui fleurit parfois au seuil de l’indigent !
En vain ce sentiment, qui devient un délire,
Et qui seul semble fait pour remplir notre cœur,
Avait deux fois soumis Albert à son empire :
Il avait de l’amour chéri le joug vainqueur.
Mais il n’avait trouvé dans cette étrange ivresse
Que les regrets amers de la réalité.

Deux femmes, tour à tour, deux sylphes de jeunesse,
Réunissant l’esprit, la grâce et la beauté,