Et son sourire empreint de tristesse profonde,
Comme un pâle rayon venu d’un autre monde,
Déride par moments son visage railleur.
C’est Albert ! mais, mon Dieu ! quelle métamorphose !
Que ses traits sont changés ! Qu’il a vite vieilli !
Les vieillards avant l’âge en devinent la cause :
Sous le poids des douleurs son cœur a défailli !
À son âme ingénue, ouverte à l’espérance,
Le monde a prodigué de terribles revers :
Sa vie est devenue une longue souffrance,
Et les rêves dorés qui berçaient son enfance,
Ont inondé son cœur des flots les plus amers.
L’avenir séduisant dont les sentiers perfides
Déroulaient sous ses pas leurs tapis de gazons,
L’avenir n’a semé sous ses regards avides
Que désenchantements et désillusions.
Les ronces du chemin ont étouffé les roses,
L’épine a déchiré sa tunique en lambeaux ;
Le simoun a flétri les fleurs à peine écloses,
Et sur sa route obscure a détruit les flambeaux.
Dans ce ciel lumineux qui brillait sur sa tête,
Les astres ont voilé leur sereine clarté ;.
À l’horizon lointain a surgi la tempête,
Et, sous ses yeux, la foudre a soudain éclaté.
Telle est la vie humaine. Eh ! qui dans cette route
Ne s’est pas à son heure affaissé tristement ?
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