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échos patriotiques

Répandait sur ses traits la grâce de l’enfance,
Et son regard brillait comme un rayon du ciel.
Jamais l’esprit impur n’avait souillé son âme ;
On n’y sentait passer aucun souffle pervers :
Elle était chaste encor, belle comme la flamme,
Ou ce fruit de l’Éden qui perdit l’univers.
Voyant couler sa vie ainsi qu’une eau limpide,
Il semblait ignorer que son cours est rapide,
Et que les yeux humains sont deux sources de pleurs.

Il était à cet âge où l’espérance en fleurs
Inonde de parfums l’existence ravie :
Il était à cet âge où l’arbre de la vie
Sent plier sous la sève un feuillage abondant,
Et pousse dans le sol de vivaces racines.
La rose, ouvrant pour lui son calice odorant,
À son œil ingénu dérobait les épines
Qui croissent aux buissons, et bordent le chemin.
On remarquait en lui quelque chose d’étrange,
Comme un voile couvrant ce qu’il avait d’humain.
On y soupçonnait l’homme, on n’y voyait que l’ange ;
Et son cœur qui s’ouvrait à ses premiers désirs,
Comme un aigle qui plane au-dessus de la terre,
Paraissait dédaigner l’amour et les plaisirs.

C’était donc le vrai sage : et pourtant, ô misère !
Sous ses calmes dehors la tempête couvait.
C’était un beau ruisseau, limpide à la surface,
Où le ciel étoilé dans la nuit se mirait.