Pour mieux goûter l’harmonie des vers je les lis à haute voix, et souvent les matelots s’approchent et se groupent pour m’entendre. Eux aussi semblent apprécier la musique de notre belle langue poétique.
L’« Énéide » est un vrai guide dans le voyage que nous faisons, quoique certains lieux aient bien changé depuis l’époque d’Énée.
Mais Virgile n’a pas toujours tenu compte des huit siècles qui séparaient Auguste du héros troyen ; et il a souvent décrit les lieux tels qu’il les voyait lui-même, et tels qu’ils sont encore.
La mer Tyrrhénienne s’est montrée bien douce. En peu d’heures nous avons perdu de vue le port d’Ostie, et dès le lendemain nous abordions à Cumes. Sur la hauteur se dressent encore quelques ruines du temple d’Apollon, où vint prier Énée ; mais la Sibylle a déserté son antre creusé dans les flancs de la roche de Cumes.
S’il fallait en croire la description de notre Virgile, cette caverne aurait eu cent portes, et de ces cent portes sortaient autant de voix qui donnaient des réponses à ceux qui venaient la consulter :
Excisum Euboicæ latus ingens rupis in antrum
Quo lati ducunt aditus centum, ostia centum,
Unde ruunt todidem voces, responsa Sibyllæ.
Toute cette montagne d’Eubée a-t-elle été bouleversée par les tremblements de terre ? Je l’ignore,