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LE CENTURION

— Avez-vous beaucoup prêché ?

— Assez pour remplir mon devoir ; mais le roi a trouvé que c’était trop.

— S’il vous mettait en liberté ?…

— Je me présenterais de nouveau devant lui et je lui redirais la parole qu’il ne veut pas entendre : Non licet ce que vous avez fait, Sire, est un crime. Et je répéterais la même parole en public.

— À quoi bon ? vous n’espérez pas le convaincre ?

— Non, mais il est bon que tout le monde sache que la loi de Jéhovah est la même pour tous, et que ce qui est mal pour les humbles est aussi un crime pour les grands et les rois.

— Quel âge avez-vous ?

— Trente-trois ans.

— Pourquoi vous obstinez-vous, si jeune encore, à briser votre carrière, et interrompre une prédication qui pourrait être si utile à vos compatriotes ?

— Ma mission est finie. J’étais un précurseur du Messie que le monde attend depuis quarante siècles ; il est venu, et il a commencé à prêcher. Je l’ai présenté aux foules, je l’ai fait connaître ; et les foules m’ont abandonné et sont allées vers lui. Il devait en être ainsi, et je suis content. Je ne crains pas la mort et je l’attends. Mon utilité a cessé.

— On ne meurt pas à votre âge, lui dis-je en le saluant et en me dirigeant vers la porte, et je vous reverrai bientôt, j’espère, en Galilée.

— Non vous ne me reverrez pas.