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LE CENTURION

Il avait un disciple qu’il aimait tendrement, il avait une mère qu’il adorait : Ces affections lui restent au moins ? ’

— Oui, mais il va s’en dépouiller, et les léguer l’un à l’autre.

Écoutez ! Écoutez ! Il a recouvré la parole :

— « Femme, voilà votre Fils ! Jean, voici votre mère !

Lui reste-il encore quelque chose ? Son corps nu, peut-être ? Non, il appartient à la justice humaine !…




Ah ! Satan ! Que tu devais rire ce jour-là de celui que tu transportais sur une montagne trois ans auparavant, à qui tu offrais tous les royaumes de la terre et qui les avait refusés !

Ah ! pharisiens, sadducéens, hérodiens, chantez victoire et triomphez. Car la suprême agonie de Jésus s’achève. La vision effrayante qui l’a terrassé au jardin de Gethsémani repasse en ce moment devant ses yeux. La grande vague de sang monte, se soulève et vient battre le pied de la croix. Dans un instant elle va tout submerger. Sa tête sanglante est tombée inerte sur sa poitrine. Ses cheveux sont descendus sur sa face auguste, et voilent ses regards. Sa voix plaintive a fait entendre ce pénible aveu de son impuissance : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous abandonné ? »