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LE CENTURION

enveloppée de longs voiles de deuil, poussaient des soupirs et des lamentations, en regardant le corps ensanglanté de leur Maître bien-aimé, qui se détachait de la nuit sombre comme un grand fantôme.

Debout, mais la tête penchée sur la poitrine, le disciple que Jésus aimait, se tenait auprès de Marie, absorbé dans une douleur muette. Il associait toutes les puissances de son être au grand sacrifice qui s’accomplissait.

Son Maître bien-aimé en était à la fois le prêtre et la victime, et lui, debout près de l’autel de la loi nouvelle, offrait comme Marie l’auguste victime à Jéhovah.

Il était aussi au Calvaire celui que Jésus avait choisi, et institué chef des apôtres, et qui l’avait honteusement renié. Pendant les douze heures qui venaient de s’écouler il avait erré, fou de douleur, d’abord parmi les tombeaux de la vallée de Josaphat, puis sous les portiques du Temple et aux environs du Prétoire.

Pendant la nuit, il avait rencontré Judas au tombeau d’Absalon, et sa première pensée avait été de s’élancer sur le traître, et de l’égorger. Mais il s’était dit aussitôt : je suis aussi coupable que lui. Et plein d’horreur pour lui-même, comme pour Judas, il s’était enfui vers Gethsémani. Il y était resté jusqu’au jour, prosterné dans la grotte de l’agonie, et sur le sol encore trempé de la sueur de sang de son maître il avait versé des flots de larmes.