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LE CENTURION

« Oui, mais ce grand nom de Rome, dont j’aurai couvert mon prisonnier, me couvrira-t-il moi-même quand les princes des prêtres m’accuseront devant Tibérius d avoir libéré un homme qui s’est lui-même, en ma présence, proclamé roi des Juifs ?

« Crime de lèse-majesté ! diront-ils, crime avoué, confessé par l’accusé en plein tribunal ! Et laissé impuni par la complaisance du gouverneur !

« Sans doute, je pourrai répondre que le royaume de cet étrange roi n’est pas de ce monde. Mais Tibérius ne comprendra pas cette parole. Moi-même je ne la comprends pas ; et il dira que tout prétendant au trône de David doit être mis à mort.

« Pour trouver grâce devant Tibérius, il ne suffit pas d’être innocent, il faut le paraître.

« Or, d’après les apparences, ce malheureux semblera coupable, et les pontifes et les scribes, et les anciens, et toute cette foule vocifèrent qu’il l’est.

« Est-ce ma faute, à moi s’il veut réformer la religion de son pays, et s’il s’est imprudemment engagé dans une lutte à mort contre des adversaires plus puissants que lui ? Est-ce ma faute s’il a prononcé devant le Sanhédrin, et devant moi, des paroles compromettantes pour sa cause ?

« Je ne suis pas tenu de me sacrifier moi-même pour le sauver, mais je dois veiller à maintenir la paix publique, et ces cris furieux qui demandent sa mort me disent assez que cette paix est troublée,