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LE CENTURION

tombe la face contre terre, et de tous les pores de son épiderme coulent des flots de sang et d’eau !

Quel est ce mystère de souffrance qui dépasse les forces humaines ? Est-ce que le manteau d’iniquité que Jésus a revêtu comme victime produit sur lui le même effet que la robe de Nessus sur Hercule ? Est-ce que les crimes innombrables qu’il va expier s’enfoncent comme autant de flèches dans sa chair vénérable ?

À toutes ces questions, les réponses de l’esprit humain ne sont pas satisfaisantes.

Mais il semble certain que le supplice de l’agonie fut plus terrible que ceux de la flagellation et du crucifiement. Pourquoi ?

— Peut-être parce que la souffrance morale est plus grande que la souffrance physique, et qu’elle est proportionnée à la perfection de l’être qui souffre. Peut-être aussi parce que les bourreaux du Prétoire et du Calvaire étaient des hommes, tandis qu’à Gethsémani le bourreau invisible était Dieu lui-même, frappant au nom de son implacable justice ! Et ce qu’il frappait, c’était la multitude des péchés de l’humanité se dressant menaçante contre Lui, comme une immense pyramide de haine dont la base était aussi large que la terre et dont le sommet touchait le ciel !

Une seule chose mit fin à l’agonie, et c’est celle qui aurait dû l’augmenter, — l’arrivée de Judas.

Jésus priait encore lorsqu’il entendit les pas d’une troupe qui s’approchait. Il les regarda venir