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LE CENTURION

Mais toutes ces beautés de la grande cité ne réjouissaient pas ses yeux. C’était le champ stérile, où, semeur auguste, il avait vainement jeté la semence divine : elle était tombée sur la pierre et n’avait pas germé.

Autour de lui, la nature moins ingrate célébrait sa venue. Tout souriait dans la fête du printemps qu’illuminait l’aurore.

Dans les gazons verts, les violettes embaumaient, et les cyclamens élevaient leurs crêtes rouges comme des drapeaux de victoire.

Les graminées et les fleurettes tapissaient le sol, et répandaient leurs parfums sur ses pieds, comme avait fait Madeleine.

De grandes tulipes jaunes lui présentaient leurs calices dorés, où scintillaient les pleurs de la nuit, comme pour lui faire oublier l’amer calice que les hommes méchants lui préparaient.

Les asphodèles, les iris, les anémones rivalisaient d’éclat et de beauté pour lui présenter leurs hommages.

Tout l’orient déployait ses magnificences pour l’honorer ; et les arbres, les plantes, les fleurs lui parlaient un langage que nul autre homme n’avait jamais si bien compris.

À la veille du plus grand deuil de la nature, tous les êtres qui la composent continuaient de sourire et de chanter, comme s’ils avaient compris que le jour de la grande douleur allait être celui du salut du monde.