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LE CENTURION

« Or, rien ne nous est plus facile que d’organiser à Jérusalem un mouvement populaire pour exercer sur le Gouverneur la pression nécessaire. Chacun de nous ne commande-t-il pas des douzaines de ces gens du peuple qui sont toujours prêts à faire une émeute, moyennant quelques deniers ?

« Et remarquez bien une chose. Le supplice autorisé par la loi romaine est ignominieux et infâme. Il ne tue pas seulement, il déshonore.

« Quand le peuple saura que Jésus de Nazareth a été jugé digne de mort par le Sanhédrin, que Pilatus a prononcé la sentence, et que le condamné est mort sur une croix, il comprendra que Jésus de Nazareth ne fut qu’un grand criminel. Personne n’osera plus avouer qu’il a été son disciple, parce que personne n’osera plus mettre en suspicion la justice des deux condamnations prononcées par les autorités religieuse et civile.

« Tel est mon avis, mes chers collègues, et je ne doute pas qu’il ne rencontre l’assentiment de tous. »

Des applaudissements presque unanimes accueillirent ce discours, indigne d’un juge, puisqu’il accusait et condamnait, avant le procès.

Puis, un grand silence se fit, et l’on crut un instant que personne n’oserait répondre au grand-prêtre.

Gamaliel regarda autour de lui, pensant que quelqu’un des chefs sadducéens se lèverait, et dirait au moins quelques mots de protestation contre