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LE CENTURION

Elle se leva, comme pour me signifier mon congé ; mais je la priai de m’entendre encore, et je lui dis :

— « Myriam, je vous connais, et je sais toute votre histoire ; mais laissez-moi vous admirer en dépit de tout, et accordez-moi du moins un peu d’amitié. »

— « Ah ! vous connaissez mon histoire, reprit-elle en rougissant ; et cette histoire au lieu de vous éloigner de moi vous rapproche. Eh bien, centurion, vous perdez l’estime que j’allais avoir pour vous ; mais vous vous trompez encore d’adresse ; la femme à qui vous offrez votre amour est morte, et soyez bien sûr qu’elle ne revivra plus. Si le souci de votre dignité ne vous fait pas voir dans mon passé un obstacle entre nous, il me reste à vous apprendre qu’un amour inexprimable, et que vous ne sauriez pas comprendre, me sépare à jamais de tous les autres amours. Il est un être extraordinaire, que je connais à peine, et à qui j’ai donné mon âme toute entière. Est-ce un homme ? Est-ce un Dieu ? Je l’ignore. Il ne m’a jamais adressé la parole, et je n’ai jamais effleuré seulement le bas de sa robe. Cependant, mon cœur est tout rempli de l’amour qu’il m’inspire, et toute ma vie lui appartient.

Un seul de ses regards a opéré en moi ce prodige, et je vous jure que Myriam n’aimera jamais aucun autre mortel.

Là-dessus, elle s’est levée, majestueuse et austère ; elle m’a tourné le dos, et s’est retirée dans