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LE CENTURION

nous avons la soif de l’infini ? Est-ce parce qu’elle n’offre aucun obstacle à nos regards, et que rien ne nous plaît comme la liberté illimitée ? Est-ce parce qu’elle varie sans cesse d’aspect, et quelle est aussi mobile que la nature humaine ?

Oui, sans doute, c’est pour ces raisons et pour d’autres encore. Il y a entre la mer et notre nature des harmonies sensibles. Comme notre cœur, elle est vaste et elle est abîme. Comme notre âme elle réfléchit le ciel, et reçoit de lui sa lumière. Comme chacun de nous elle a ses jours de calme et ses tempêtes.

C’est vers le soir que je l’admire davantage, alors que le soleil couchant y trace jusqu’à l’extrémité de l’horizon une large voie triomphale toute pavée de paillettes d’or et de feu.

Je me dis alors que cette voie se prolonge jusqu’à l’embouchure de notre fleuve aimé, le Tibre, et dans un instant mon esprit en remonte le cours jusqu’à la ville aux sept collines.

Je vous revois, ma chère mère, et vous embrasse, et je vous raconte mes impressions d’Orient si variées, si vives, et si originales, il me semble.


J’aurai des regrets sincères quand il me faudra quitter ma grande amie, la mer. Elle me manquera à Jérusalem ; car je ne me lasse jamais de sa compagnie.