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LE CENTURION

— La solitude n’est qu’un mot, me répondit Gamaliel. Elle n’existe absolument et complètement nulle part. Le désert est sillonné de caravanes, et parsemé d’oasis pleines de vie. La mer est sillonnée de navires, et ses abîmes sont peuplés d’êtres vivants qui forment des familles et des tribus nomades. Le ciel est peuplé d’astres en voyage qui s’attirent et se rencontrent, et de nébuleuses, familles ou essaims d’étoiles, qui cherchent un coin de l’espace où elles pourront accomplir leurs destinées en procréant de nouveaux mondes. Vous voyez bien que la solitude absolue n’existe pas.

— Vous en plaignez-vous ?

— Non, certes. Je n’aime pas le bruit ni les foules ; mais j’aime la solitude à deux.

— Il me semble, à moi, quand je contemple le ciel dans les belles nuits d’été, que les astres sont les prunelles d’êtres mystérieux, et que leurs regards sont sympathiques et doux.

— J’aime mieux les vôtres…

— Je baissai les yeux, et j’allai m’accouder sur la lisse de la poupe. Gamaliel me suivit, et nous nous penchâmes vers les flots pour admirer le sillage étincelant que traçait notre galère.

— Voyez donc, me dit alors Gamaliel, cette jolie guirlande de fleurs blanches que nous éparpillons derrière nous. Je voudrais pouvoir la cueillir pour la poser sur votre jolie tête.

Je le regardai d’un air un peu surpris, sans rien répondre.