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LE CENTURION

vers une baie spacieuse, dont l’entrée est très étroite. C’est le port de Carthage. Comme vous voyez, mère, nous voilà loin de notre route.

Mais nous subissons forcément l’inconstance de la mer et des vents ; et c’est ainsi qu’en cherchant Alexandrie nous avons trouvé Carthage.

Je suis tentée d’en remercier les Dieux, maintenant que la tempête est passée.

Carthage est, comme vous le savez, beaucoup plus ancienne que notre Rome. Elle était une colonie florissante de Tyr, quand Énée disant adieu aux ruines encore fumantes de Troie faisait voile vers les rives du Latium, où il allait devenir le grand ancêtre des Romains.

Junon que Virgile nous représente comme jalouse et cruelle, aimait mieux Carthage que toutes les autres villes du monde, sans excepter même Samos.

Or, elle connaissait les oracles sybillins qui prédisaient la ruine de Carthage par un peuple issu de la race troyenne, pour laquelle elle nourrissait une haine implacable. C’est pourquoi elle poursuivit de sa haine le malheureux Énée, et employa tous les moyens dont sa puissance pouvait disposer pour l’empêcher d’arriver jusqu’à nos rivages, où il devait fonder notre Rome.

C’est cette lutte épique d’une divinité contre un simple mortel qui fait le sujet de l’admirable poème de Virgile ; et vous vous souvenez, mère, que dès le début le poète y décrit une tempête effroyable