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Messie, afin de nous faire comprendre que nous devons être, en Amérique, des précurseurs et des missionnaires de la foi. Or, savez-vous à quelles privations fut condamné Jean-Baptiste, pour l’accomplissement de sa mission ? Écoutez ce que dit l’Évangile : « Il ne boira ni vin ni liqueur. Il marchera devant Dieu dans l’esprit d’Élie, de manière à préparer au Seigneur un peuple parfait. »

La principale vertu imposée à notre patron fut donc la tempérance : et ce fut aussi celle du prophète Élie, qu’un ange nourrissait, au désert, de pain et d’eau fraîche.

La tempérance est donc la vertu nécessaire pour toutes les grandes missions à remplir, et nous ne deviendrons un peuple parfait qu’en la pratiquant.

Faut-il pour cela couper les vivres aux vendeurs de boissons enivrantes : — Faut-il diminuer les revenus de l’État, de quelques millions — N’hésitons pas, dès que ces sacrifices sont nécessaires au salut de la race.

Les aubergistes trouveront d’autres moyens de vivre, et l’État créera d’autres impôts, qui ne seront pas une exploitation des mauvaises passions du peuple.

J’ai vu, à Syracuse, en Sicile, un autel de pierre, si vaste que l’on y faisait des hécatombes de mille taureaux à la fois, pour apaiser les dieux, dans les jours de calamité publique. Ne soyons pas moins généreux que l’étaient les païens, et ne reculons pas devant les grands sacrifices que le patriotisme nous impose. Comment des chrétiens pourraient-ils mesurer parcimonieusement les sacrifices nécessaires à leur saint, quand Jésus-Christ leur dit : « Si votre main, ou votre pied vous sont des occasions de péché, coupez-les, et si votre œil vous scandalise, arrachez-le ! »

Voilà la vraie mesure des sacrifices.

On ne vous en demande pas tant.


Messieurs, il y a dans la vie des peuples des époques où l’on sent comme un souffle de Dieu qui passe, comme une présence auguste que l’on ne voit pas, que l’on n’entend pas, et qui cependant parle à l’âme du peuple, et lui indique une direction nouvelle à suivre.

Il semble bien que les événements suivent leur cours habituel, et que rien d’extraordinaire n’arrive ; et cependant le peuple entend des voix mystérieuses qui lui parlent, et il fait un pas décisif vers les destinées que Dieu lui assigne ; et lorsque, longtemps après, les historiens rappellent cette époque du passé, ils disent, étonnés et sans comprendre : Hoc erat in fatis, laissant entendre que c’est