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STELLA MARIS

Où la vague sourit à côté de l’écueil,
Où le ciel est d’azur la veille d’un naufrage,
Où l’océan le berce en creusant son cercueil !
L’enfant avait quatre ans et se nommait Marie ;
Sous ses vêtements bleus brillait son teint vermeil ;
Les pauvres gens l’aimaient avec idolâtrie :
Elle était dans leur vie un rayon de soleil.
Aussi, quand au retour d’une pêche mauvaise,
Après avoir passé toute la nuit sur l’eau,
Le père apercevait l’enfant sur la falaise,
Le bonheur exaltait l’âme de Kervilo.
Il oubliait sa peine et sa misère sombre ;
Dans l’œil de son enfant le ciel lui souriait.
La profondeur des mers soudain n’avait plus d’ombre,
Car l’amour de son cœur comme un astre brillait.
Son Dieu, sa femme Jeanne et sa petite fille
Étaient de Kervilo les trois seules amours ;
Je me trompe, sa barque était de la famille,
Il pouvait bien l’aimer, il y passait ses jours.
Son nom était La Mauve, et sous ses quatre voiles
Elle glissait sur l’eau comme l’oiseau des mers ;
Quand le vent fraîchissait sous un ciel sans étoiles,
C’était un feu-follet riant des flots amers.