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« Les grands ennemis de l’agriculture ici sont la sécheresse et le chinook, vent d’Ouest.

« Il y a près d’un mois qu’il n’est pas tombé une goutte de pluie. Les jours sont chauds, mais les nuits sont fraîches et même froides ; et quand l’air est encore imprégné de la buée du matin, il se produit de jolis effets de mirage.

« Mais le soleil en montant à l’horizon dissipe ces apparitions fantastiques. Comme un monarque absolu il envahit tout l’espace, et soumet tout à son empire.

« L’air est en feu. La prairie flambe sous les rayons du grand astre. On se croirait dans une étuve. Ici, il y avait un vrai lac, il y a huit jours : le soleil et le chinook l’ont bu. Là coulait un ruisseau, où mes troupeaux venaient boire : le sable et l’humus altérés l’ont avalé.

« Ô vent d’ouest, ô chinook, descends des montagnes et viens nous donner quelques coups d’éventail. Petits nuages, qui flânaient en rêvant dans les hauteurs du ciel, comme de grands oiseaux de mer dormant dans un lac bleu, donnez-nous un peu d’ombre.

« Une heure, deux heures s’écoulent. Tout à coup, à l’extrémité ouest de l’horizon, on dirait qu’une grande porte s’est ouverte ; et le chinook s’y précipite avec rage. Il accourt comme une troupe de chevaux sauvages qui auraient pris le mors aux dents.