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service. C’est quelquefois fort agréable. Ainsi, quand nous aurons soupé joyeusement, j’aiderai Mademoiselle aussi joyeusement à laver la vaisselle, et nous ferons ensuite un peu de musique.

« Tel est la vie des ranches, mon cher ami.

« Es-tu convaincu maintenant que je suis aussi vivant que ceux qui me croient défunt ?

« Parmi les amis que j’ai quittés, il en est qui croient vivre parce qu’ils vont passer six heures par jour au Parlement, à faire de la copie, à aligner des chiffres, à bâiller sur des lettres officielles, et à se rendre officieux pour plaire aux chefs. Mais je t’avoue que cette vie-là me tuerait, moi.

« J’aime mieux mon existence solitaire, mais libre, indépendante, au sein de la grande nature. L’air que je respire ici n’est pas vicié par les microbes et les baciles dont vos journaux parlent sans cesse. L’eau que je bois n’a pas été souillée par le contact des saletés humaines. Dans ce petit coin de terre, dont je suis le roi absolu, c’est pour moi que la nature travaille, produit et se pare.

« Depuis le mois de mai les prairies où paissent mes troupeaux sont de vrais parterres. Les lupins, avec leurs jolies aigrettes bleues foisonnent. Les hélianthes, les clématites, les géraniums des bois, les anémones, les campanules bleues, les violettes de toutes couleurs, et une foule d’autres fleurs que je ne connais pas, émaillent