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d’ombre épaisse le sol mousseux, balançant leurs cimes augustes aux vents légers, et se raidissant de toute leur hauteur contre la tempête, calmes, fiers, majestueux, et regardant la mer, cette autre majesté. Il semble que nous les ayons profanés en nous approchant d’eux, qu’ils regrettent leur solitude profonde d’autrefois, qu’ils en veulent à l’homme d’avoir percé leur mystère et rompu le charme de leur secret. Eux qui s’étaient contentés jusque-là de grandir toujours, abritant d’innombrables nids d’oiseaux, écoutant leurs concerts sans fin mêlés aux frémissements de l’air et à la grande voix de la mer lointaine et voilée comme un rêve.

Quel bruit plein d’harmonie profonde et de majesté on entend à mesure que l’on s’avance à travers la merveilleuse végétation, contournant les arbres géants dont les racines s’étendent à une distance énorme et s’enchevêtrent les unes aux autres ! Les troncs sont cachés par une mousse épaisse qui donne elle-même la vie à des myriades de plantes et de fleurs, pendant que les branches supportent et avivent de splendides verdures frangées qui se balancent dans l’air, et s’accrochent d’un arbre à l’autre comme des guirlandes formant des dessins d’un art prodigieux. Quelques-uns des arbres ont des formes étranges, et dans leurs branches qui s’ouvrent comme une main on pourrait poser une petite maison qui tiendrait à l’aise entre ces gigantesques doigts. À nos pieds des mousses, des fleurs, d’une variété, d’une