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Pendant que j’observe les voyageurs d’un œil et les montagnes de l’autre, le Cheval-qui-rue fait des siennes ! Il se précipite, il bondit, il écume, et plus nous le serrons de près, plus il s’enlève. Je crois qu’il a pris le mors aux dents.

Mais notre locomotive est aussi un cheval qui rue diablement, et qui n’entend pas se faire battre à la course. Quand le torrent lui barre complètement la route, il saute par-dessus, et quand c’est un rocher qui lui fait obstacle il passe dessous. Il se fait même un jeu de ce périlleux exercice. Trois fois, six fois, dix fois, dans un court espace, il accomplit ce tour de force ; et le Cheval-qui-rue s’avoue enfin vaincu, car il se ralentit, se calme et nous le laissons en arrière.

L’horizon s’élargit ; la végétation reparaît. Nous sommes à Golden, ainsi nommé, sans doute, à cause des mines d’or voisines.

Devant nous coule la rivière Columbia, et sur la rive opposée s’étend la chaîne des Selkirks.

Ce qui fait la magnificence de ces montagnes, c’est qu’elles sont rangées comme une armée en bataille, et que la perspective de leurs crêtes orgueilleuses se prolonge à perte de vue. Le rideau vert-sombre qu’elles tendent sur l’horizon à notre gauche est admirablement drapé, et se termine à une hauteur régulière de sept à huit mille pieds par une broderie bleue frangée de neige. C’est merveilleux.