Page:Routhier - De Québec à Victoria, 1893.djvu/272

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ce qui étonne tous les voyageurs, c’est que nous puissions circuler, avec une facilité relative, au milieu de ces Pélion et de ces Ossa. Ce dernier nom conviendrait à beaucoup d’entre eux qui sont de véritables épines dorsales desséchées.

J’ai dit facilité relative ; car les difficultés sont innombrables et souvent très grandes.

Le Cheval-qui-rue est un guide fort incommode, et il nous cause bien des tribulations avec ses incartades et ses détours ! Que d’arcs, de demi-cercles, de circonvolutions il nous impose ! Mais il faut bien le suivre, puisque lui seul peut nous indiquer la route au milieu de ce labyrinthe de montagnes, de ravins et de gorges traîtresses.

Nous faisons à sa suite une course vertigineuse. De mon siège, je vois presque constamment la locomotive tantôt à gauche, tantôt à droite, et notre train glisse comme un serpent colossal, au pied des grands monts, sur le bord des abîmes, sous les rocs qui surplombent, en se repliant sur lui-même et en allongeant sa tête en feu, comme un monstre qui cherche sa voie.

Si le serpent de mer est un mythe, le grand serpent des Montagnes Rocheuses n’en est pas un. Il existe, et tous ceux qui vont à la Colombie-Britannique le voient passer deux fois par jour, vomissant le feu et la fumée, sifflant et mugissant, allongeant ses anneaux le long des flancs du Cheval-qui-rue, et s’ouvrant un chemin