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Le génie artistique aura beau faire ; jamais il n’aura cette richesse de coloris, et cette variété de teintes !

Les pics sont rarement isolés. Le plus souvent, ils sont groupés ou alignés comme des troupes rangées en bataille ; et quand les bois ont été brûlés, leurs troncs élancés et secs ressemblent à des millions de lances et de piques.

Les plus hauts sommets ont des noms connus, comme dans une armée les généraux et les colonels. Les simples soldats n’en ont pas. Perdus dans la foule, ils n’ont pas même de numéros.

Après Laggan, l’Arc pousse la complaisance jusqu’à nous céder son lit, et nous y trouvons un gravier fait exprès pour soutenir des rails.

Notre train est un peu lourd, il comprend trois chars dortoirs, et un char d’observation. Ce dernier est une excellente innovation pour traverser une région où il y a tant à voir ; car il est tout ouvert, des deux côtés de la voie, et permet d’admirer toutes les grandeurs du merveilleux panorama que nous traversons.

Mais quoique lourd, notre train ne s’est guère ralenti ; car, à Laggan, nous avons changé de coursier, le nôtre étant exténué peut-être ; on nous a donné un bon gros engin, trappu et fort comme un Clyde ou un percheron !

Nous atteignons la hauteur des terres ; la rivière de l’Arc a diminué graduellement et disparu. Quelques petits lacs se montrent, et semblent indécis de savoir s’ils s’écouleront du côté est ou du côté ouest.