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plaintes. Mais notre driver est sans pitié, et il le lance de plus en plus vers les hauteurs.

Les premiers sommets se sont écartés et aplanis, pour la bonne raison que nous les avons gravis ; mais une troupe de géants nous barre la route, rangés comme des sentinelles imperturbables. Ce sont de vieux grognards, car leurs têtes sont toutes blanches.

Il semble qu’il soit impossible de nous frayer une route ; mais à mesure que nous avançons les colosses se rangent de chaque côté et nous regardent passer.

Pour quelque temps nous nous sommes éloignés de notre guide et nous avons traversé la rivière Kananaskis ; mais bientôt nous rejoignons l’Arc, et nous nous remettons à sa suite.

C’est fini, plus de plaines ! Nous ne regardons plus au loin, mais en haut. Notre horizon va gagner en hauteur ce qu’il va perdre en étendue. En haut les yeux et les cœurs ! Sursum ! In Altissimis !

Nous cheminons maintenant entre deux rangées de rochers cyclopéens, dont les sommets abruptes se perdent dans les cieux, et par leurs échancrures nous en apercevons d’autres au loin qui cachent leurs cimes dans les brouillards. La plupart sont boisés d’épinettes à leurs bases, mais leurs arêtes extrêmes sont nues ; plusieurs, couvertes de glace, dominent les nuages et bravent le soleil, qui les illumine sans les réchauffer.

L’Arc s’est détendu et il forme quelques étangs ; mais