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— Mais, Père, si nous couchons ici, nous ne rejoindrons pas le campement demain.

— N’importe, je veux passer la nuit avec ce pauvre vieillard qui va mourir. Qu’on me laisse seul avec lui : je soignerai son corps et son âme.

Et le missionnaire se renferma avec le moribond.

C’était un des plus beaux types de sa race, grand, bien fait, avec une belle tête ayant du caractère, de grands cheveux blanchis, et toutes ses dents claires comme des perles.

Il avait mené une vie très régulière, et avait toujours joui d’une bonne santé. Il n’avait jamais mangé autre chose que du buffle, ni goûté d’autre breuvage que l’eau claire. Il avait été un des Sages de sa tribu et il était généralement resté docile aux inspirations de sa conscience.

Il avait souvent combattu pour sa race, et pour ce qu’il avait cru être la justice ; mais il avait été un guerrier pacifique.

Le P. Lacombe l’interrogea sur ses croyances.

Il croyait en un Dieu unique. Mais il croyait aussi en deux esprits, un Bon et un Mauvais. La mort n’était pour lui qu’un passage de cette vie à une autre, où il serait récompensé ou puni selon ses œuvres.

Le missionnaire lui expliqua qu’il y avait en effet deux Esprits, et un seul Dieu ; mais que ce Dieu unique était en trois personnes — le Père, le Fils, et le