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comme les eaux transparentes du lac resplendissaient sous les rayons du soleil !

Voyez-vous là-bas cette haute montagne avec sa tête ronde et ses larges épaules se drapant dans sa robe de bruyère ? C’est le mont Misère ; mais, certes, il n’a pas l’air misérable en ce moment.

Le soleil a dépassé son sommet, et la lumière qui l’inonde a transformé sa bruyère en manteau de pourpre. Il est vrai que la pourpre est une étoffe moins bien portée et surtout moins durable qu’autrefois. Mais, hors le comte de Chambord, il y a encore de par le monde beaucoup de gens qui s’en affubleraient volontiers, voire même M. Gambetta.

Ce mont Misère n’a pas d’ailleurs une si mauvaise position. Il a tout autour de lui des points de vue splendides, et le lac Lomond lui fait un miroir que plus d’une jolie femme lui envierait. Eh ! voyez donc, il a eu ce matin, une visite qui lui fait honneur : ce jeune Anglais, qui est à bord, s’est mis en marche à une heure du matin et a grimpé jusqu’à son sommet pour y voir lever le soleil. Il paraît que c’est très beau ; mais il n’y a qu’un Anglais pour faire pareille course à pied la nuit, dans des sentiers impossibles. Pour ma part, j’aime mieux attendre que le soleil ait lui-même fait l’ascension ; il n’en est pas plus fatigué, et je le suis moins.

Je me demande si nous avons au Canada d’aussi belles nappes d’eau que le lac Lomond, et je réponds : peut-être ; mais, à coup sûr, nous n’en avons pas de semblables.