Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
387
PARIS

La liberté, à Paris, c’est un mythe ; l’égalité c’est un mot sonore ; la fraternité, c’est le merle blanc.

La liberté, c’est l’éblouissant météore qui passe à l’horizon de Paris, et qui n’y jette qu’un rayon pour aller éclairer d’autres latitudes. C’est le mirage décevant qui montre de temps en temps aux parisiens sur la mer sociale et politique de puissants navires qui ne sont en réalité que des bâtons flottants :

De loin c’est quelque chose, et de près ce n’est rien !

Il y a cependant une liberté que la plupart des gouvernants français paraissent admettre et favoriser, c’est celle de l’erreur, et la marche que l’erreur suit est toujours la même.

Elle commence par se plaindre d’être proscrite, ou gênée par les lois. Elle pose en victime, elle affirme que la vérité et la vertu — qu’elle nomme erreur ou préjugé — sont libres à ses côtés, tandis qu’elle est dans les chaînes ; elle réclame alors sa place au soleil, tantôt avec des gémissements qui attendrissent, tantôt avec des menaces qui épouvantent. Elle affiche de la bonne foi, et répond à ses adversaires : « Vous prétendez que je suis l’erreur, mais je crois être la vérité, et j’ai le droit de vivre. »

On finit par lui accorder ce qu’elle demande ; c’est-à-dire la liberté la plus entière, et elle s’organise alors formidablement. Une fois établie, elle devient envahissante, elle étend son influence, agrandit son action, et travaille à modeler les intelligences sur son type favori afin de s’emparer du gouvernement général.