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PARIS

« La noble épée a soif du sang de l’étranger ;
« Toi, son libérateur, mène la se venger. »

Et pendant que Gérald, portant Durandal levée, passe au milieu des Seigneurs de la Cour, Charlemagne dit :

« Barons, princes, inclinez-vous
« Devant celui qui part : il est plus grand que nous ! »

Tel est le dénoûment plein de grandeur de ce beau drame, et je félicite l’auteur de n’avoir pas permis le mariage entre le fils de l’assassin et la fille de la victime ; c’est digne d’un grand poète et d’un chrétien. On oublie trop de nos jours cette grande loi morale de la solidarité qui existe entre les enfants et leurs pères.

La Fille de Roland n’est pas absolument sans tache ; mais il me semble que, tout considéré, c’est l’œuvre dramatique la plus parfaite que la poésie française ait produite dans ce siècle. Ce n’est pas une statue antique, taillée dans un bloc de marbre antique, comme les grandes tragédies de Corneille et de Racine. C’est une statue moderne, taillée dans un de ces blocs de marbre du moyen-âge qui ont servi d’assises à l’Europe chrétienne, et drapée dans le plus beau style des grands poètes romantiques. Le fond est essentiellement français et chrétien, et la forme en est brillante, imagée, harmonieuse.

Ce qui en fait surtout la beauté, c’est qu’un souffle patriotique et catholique — ce qui est tout un en France — anime et vivifie ses pages, et les français, en l’entendant, doivent se sentir plus fiers et meil-