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Elle finit par lui pardonner en effet, et le rideau tombe sur sa dernière parole :

« Ô poête ! je t’aime ! »

Remarquez bien ce dernier mot ; ce n’est pas le mari, c’est le poète qu’elle aime, et si le pauvre Julien n’était pas poète, il serait… autre chose ! Ce qui fait voir dans la poésie un côté utile auquel on n’avait pas encore songé !

Cette analyse de la comédie la plus inoffensive de M. Augier suffirait peut-être à montrer les tendances malsaines de l’art dramatique contemporain. Mais je veux apporter à ma démonstration un autre exemple, tiré du théâtre de M. Octave Feuillet ; car vous allez peut-être me dire : nous savions que Dumas, Hugo, Musset, Augier ont fait des œuvres dissolvantes au point de vue moral ; mais Octave Feuillet n’est-il pas inoffensif ? Est-ce que ses scènes, proverbes et comédies ne sont pas irréprochables ?

C’est de vous surtout, lectrices, que me vient cette observation, et je n’en suis pas étonné ; car M. Feuillet est l’auteur favori des femmes. Les parisiennes surtout en raffolent parce qu’il les adule souvent, et parce qu’il a le don d’entortiller l’immoralité de chiffons de vertu, et de couleurs honnêtes !

C’est un brillant papillon qui voltige sur des plantes vénéneuses, et qui les couvre si bien du velouté de ses ailes qu’on les croit inoffensives, alors même qu’il nous dit le poison qu’elles recèlent !

C’est un dramatique de boudoir, et toutes ses