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entre cette femme qui rêve à la nature immortelle, à la tranquillité des champs, au soleil prosternés… et ce mari qui se plaint de ce que ses chemises n’ont pas de boutons ! C’est intolérable !

Aussi cette adorable femme lui répond-elle avec un petit air dégoûté :

— Ah ! mettez une épingle !

Eh bien, j’avoue que je sympathise avec ce mari-là. Mettre une épingle à la place d’un bouton, c’est s’exposer à une piqûre, et il y a déjà tant de piqûres dans la vie conjugale ! D’ailleurs une des satisfactions de l’homme marié — dont les célibataires sont souvent privés — c’est précisément d’avoir des boutons à ses chemises !

Mais Gabrielle est bien au-dessus de ces détails prosaïques, et ses devoirs journaliers d’épouse et de mère l’ennuient !

Elle reconnait que Julien est homme d’esprit, laborieux, loyal, bon, et qu’il lui donne, suivant son expression, tout le bonheur légal. Mais c’est précisément celui-là qui ne lui convient plus, et c’est le bonheur illégal qu’elle rêve. Elle voudrait des transports éternels, d’inépuisables tendresses, et de mutuelles extases. La solide affection et le dévouement du mari ne lui apparaissent plus que comme des sentiments bourgeois contre lesquels

« Ses rêves ont heurté leurs ailes délicates ! »

Enfin, un ami du mari, M. Stéphane, passe dans cette atmosphère dangereuse, et Gabrielle et Stéphane s’en-