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En un mot, elle gémit, elle pleure, elle se lamente si bien et si fort qu’un ami de la maison l’entend, et s’offre comme consolateur.

Oh ! comme il est bien celui-là, et comme il la comprend ! Comme il a des ailes pour s’élever au-dessus des réalités de la vie, et nager dans le pur éther des illusions et des rêves ! Le mari travaille comme un mercenaire pour lui donner du pain ; mais qu’a-t-elle besoin de pain, quand l’autre lui donne des émotions si suaves et les plus pures jouissances sentimentales ?

Mais, me direz-vous, c’est une misérable — Pas du tout, c’est le mari qui est le grand coupable, et la femme n’est qu’une malheureuse victime que sa chute rend plus intéressante, et que le mari doit relever à force d’amour ! La catastrophe va lui ouvrir les yeux sur ses défauts, et il va se mettre généreusement à les corriger. Il va se raffiner, se poétiser, s’idéaliser, devenir un vrai héros de roman, et son admirable femme lui reviendra comme par enchantement, si bien qu’à la dernière scène elle tombera toute pâmée dans ses bras, en lui disant : c’est ainsi que je te voulais ! c’est ainsi que je t’aime !

Puis le mari se jettera à ses genoux, confessera ses erreurs, et demandera pardon avant que le rideau tombe !

Voilà le thème sur lequel les dramaturges parisiens brodent constamment avec des variations plus ou moins semblables. On dirait qu’ils se sont donné la mission de réhabiliter l’adultère, et d’en faire un