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gés. Petit-Jean et l’intimé vivent encore, et je les entends quelquefois.

Quant au juge que le poète — qui venait de perdre un procès — a représenté dormant sur le banc, et même en bas du banc où il lui arriva de tomber, j’aurai la franchise de vous dire qu’il n’est pas mort non plus. J’ai même lu dans les journaux, il n’y a pas longtemps, qu’un magistrat américain se plaignait à son médecin d’être gravement indisposé parce qu’il avait des insomnies à l’audience.

Ah ! lecteurs, que de ridicules, que de travers, que de vices survivent aux auteurs dramatiques les plus habiles !

Les Précieuses ridicules ne sont pas une race éteinte ; les George Dandin ont engendré une postérité nombreuse ; les Scapin arrivent aujourd’hui à de belles positions, surtout le Scapin politique.

Le misantrope finit aujourd’hui par le suicide, et dans les grandes rues de tous les villes vous coudoyez des Harpagon, plus nuisibles à la société que celui de Molière.

Dira-t-on qu’au moins nous n’avons plus de femmes savantes ? Des femmes vraiment savantes, je le crois bien ; c’est à peine si nous avons quelques hommes savants. Si c’est là un progrès, et si cela est dû au théâtre, c’est donc qu’il les empêche d’étudier.

Mais de ces femmes savantes que Molière a ridiculisées il y en a encore ; l’espèce en est seulement changée. Elles sont aujourd’hui des femmes-hommes, et elles portent le nom masculin de bas-bleus.