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gerbes d’éclairs, Raymond Brucker fait un geste de colère, et dit : « On ne rend pas justice à l’ouvrier ! »

Quelques applaudissements éclatent dans l’auditoire. Le curé, qui s’était assis à côté de Brucker, s’alarme de ce début, lui qui a tant prêché à ses ouvriers qu’ils n’ont pas le droit de se plaindre de la société et des gouvernants ; et il le tire doucement par le pan de son habit, comme pour l’avertir qu’il touche une mauvaise corde.

Mais Raymond Brucker reprend avec plus de force : « On ne rend pas hommage à l’ouvrier, on ne respecte pas l’ouvrier. »

Des applaudissements prolongés suivent ces paroles. Alors Raymond Brucker les arrête soudainement d’un geste, et s’écrie :

« N’applaudissez pas, malheureux !

« Sachez qu’il n’y a dans tout l’univers qu’un seul ouvrier ; Un ouvrier véritablement digne de ce nom ; un ouvrier qui a fait tous les autres ouvriers ; un ouvrier dont tous les autres ne font que copier servilement les œuvres ; et cet ouvrier, c’est Dieu.

C’est lui qui, incomparable architecte, a de sa main toute-puissante élevé la voûte des cieux ; c’est lui qui a groupé harmonieusement les nébuleuses dans l’espace immense ; c’est lui qui a disposé dans l’éther l’architecture de tous les mondes ; c’est lui, c’est cet ingénieur éternel qui a fait des chemins à tous les astres et qui leur ordonne de les suivre avec une régularité immortelle.