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L’ANGLETERRE

Je n’ai indiqué que les principaux appartements de ce merveilleux château, et je serais fort embarrassé de vous décrire le dédale de corridors, d’escaliers, de cours et de poternes qui vous y conduirait.

Mais il ne faut pas oublier la Tour Ronde, dont les sombres créneaux dominent tout cet écrin de bijoux antiques. C’est un entassement circulaire de moellons noircis, un nid de vautours au sommet d’une montagne, une Lumière digne du Lion Britannique, accroupi sur son île et grinçant des dents pour la défendre.

Ce vieux donjon eut jadis un emploi très important, et renferma d’illustres prisonniers d’État, même des rois — ce qui sans doute lui a donné son air hautain. Mais depuis Georges II on lui a enlevé cet office qu’on a confié à la Tour de Londres, sa jeune sœur, bâtie comme lui par Guillaume le Conquérant, dit-on. Le vieux scélérat n’a donc plus rien à faire qu’à se laisser vivre ; et il est soigneusement entretenu par l’État.

Quand on le fait causer — ce qui ne lui est plus défendu comme jadis-il raconte des histoires pleines d’intérêt, et même des aventures galantes dont il a gardé le souvenir.

Voyez-vous ce jardin qui grimpe la colline, et qui s’étend jusqu’à la muraille comme pour lui offrir un bouquet ? Un jour — c’était au commencement d’un printemps du XVe siècle — une femme très belle, Jeanne de Beaufort, y vint promener ses rêves, peut-être ses ennuis. À travers les barreaux de son cachot