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quand ils furent maîtres de l’empire d’Orient, des côtes du nord de l’Afrique, et d’une grande partie de l’Espagne, ils ne doutèrent pas un instant que la domination universelle ne leur fût réservée.

C’est alors qu’ils firent de l’Alhambra une citadelle formidable, dont la prise leur semblait impossible. Au dessus de la Porte de Justice par laquelle nous entrons, l’on voit une main sculptée dans la pierre, et plus bas une clef qui est l’image de celle de la forteresse ; or, les Musulmans disaient que l’Alhambra serait pris quand cette main descendrait prendre la clef et ouvrir la porte.

C’était une espèce de commentaire de ce texte du Coran : « Dieu a remis les clefs à son élu, avec le titre de portier et le pouvoir d’ouvrir aux ennemis. »

Mais il y avait à Rome un autre élu, auquel Dieu avait vraiment donné ses clefs et le titre de portier, et, pour Islam, c’était l’infidèle et l’ennemi.

La lutte s’engagea donc entre les successeurs de Mahomet et les successeurs de Jésus. Ce fut une guerre de géants qui dura des siècles, et qui se termina par le triomphe du vrai dépositaire des clefs, représentant du Christ sur la terre. Un jour vint où le dernier roi maure, Boabdil, voyant que la main de pierre, ou plutôt de Pierre, le portier céleste, allait descendre et ouvrir la Porte de Justice, s’enfuit de l’Alhambra pour n’y jamais revenir !

À plusieurs milles de Grenade, l’on voit se dresser une colline où le roi fugitif vint s’arrêter, et l’on raconte que jetant un dernier regard vers l’Alhambra, il se prit