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dide panorama que l’on puisse voir, éclairé par un soleil de juin, quoique nous fussions à la fin de décembre.

Cependant, nous n’avions pas fini de monter ; car pour aller voir le Généralife il fallait faire encore une ascension. La route serpente au milieu des eucalyptus et des orangers, parmi lesquels se cachent quelques carmens orientaux. La pluie d’hier a verdi toutes choses, et les haies de cactus mêlent aux bords du chemin leurs feuilles épaisses et de teintes différentes, comme une marqueterie de verdure.

Le Généralife était la maison de campagne des rois maures, et il est assis sur le versant d’une montagne, qui domine toute la ville, et même les hautes tours et les palais de l’Alhambra.

Il n’est plus que l’ombre de ce qu’il était, et comme toutes les résidences mauresques il n’a aucune apparence extérieure. Mais l’intérieur est ravissant. L’artiste maure ne faisait rien pour le public, rien qui put attirer les regards du passant ; mais il déployait toutes les ressources de son génie pour le roi et les favorites. Salles, galeries, pavillons, promenoirs, il sculptait, ciselait, ornait, peignait et dorait tout.

Le marbre est taillé, découpé, poli, percé à jour comme de l’albâtre. Le stuc est fouillé comme une dentelle, et peint avec une variété infinie de dessins et de couleurs. Les plafonds en stuc ciselé forment des arcs, des voûtes, des coupoles de toutes formes, et d’où pendent des milliers de stalactites.