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La pluie fouettait les vitres. Le mistral, ou le siroco, ou le levantin, peut-être les trois, chantaient ou plutôt sifflaient un trio cacophonique. Quelques réverbères mourants nous regardaient passer d’un œil attristé. Le chemin pavé de cailloux était plein d’ornières, et notre chariot se détraquait et criait.

Nous montions dans des rues sombres, et si étroites qu’en tendant les bras à travers les vitres brisées nous touchions les murs des maisons de chaque côté. La ville semblait morte, mais nous vîmes bien le lendemain qu’elle n’était qu’endormie. Les chevaux se plaignaient, le fouet claquait, et le cocher jurait.

Nous montions toujours et nous n’arrivions jamais. Tout-à-coup nous passons sous une porte mauresque, et nous entrons dans une forêt. Où allons-nous donc ? Nous avons traversé toute la ville, et nous voici dans un bois, gravissant une montagne.

Les chevaux essoufflés s’arrêtent et regimbent contre l’aiguillon. Le cocher descend et leur administre une volée de bois vert. Nous repartons, et nous nous enfonçons sous une voûte de verdure. De chaque côté de la route tourbillonnent des torrents qui descendent en criant vers la ville. Les grands arbres qui nous abritent ruissellent.

Enfin, une pâle lumière apparaît dans le lointain à travers les branches feuillues, et nous arrivons à une porte qui s’illumine. C’est la Fonda de los Siete Suelos, l’Auberge des Sept Tours.

Le lendemain, nous étions émerveillés d’être encore de ce monde, et nous avions devant nous le plus splen-