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Comme pour donner plus de poids à ces graves nouvelles, un fait inattendu et sans précédent se produisit à Yokohama dans les premiers jours de mai. Un beau matin, on apprit le départ de toute la population japonaise, se composant de quelques milliers d’individus vivant dans le quartier indigène comme marchands, ou dans les maisons d’étrangers comme domestiques. Sur l’ordre qu’ils disaient avoir reçu de leurs yacounines, on vit les premiers abandonner leurs habitations, emportant leurs objets précieux, les seconds réclamer le payement de leurs gages, et, payés ou non, s’enfuir de la maison de leurs maîtres. Cette nombreuse population obéissait aux ordres de l’autorité sans le moindre symptôme de mécontentement ni de résistance.

À toute proposition de cette nature, ils répondaient : « Nous partons, parce que les Yacounines l’ont ordonné ; nous craignons bien plus le sabre de nos officiers que les dangers devant résulter d’un commencement d’hostilités dans la ville. » Retenus de force, ils s’échappaient à la première occasion. La route de Kanagawa fut bientôt couverte d’une file interminable de piétons, de chevaux et de charrettes à bras portant les plus jeunes enfants et les bagages de chaque famille. L’évacuation devait être complète au bout de trois jours, et à ce moment devait cesser tout approvisionnement de la ville.

Des circonstances aussi graves devaient rappro-