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au maintien de l’ordre, s’emploie dans ce pays au grand jour. L’espionnage forme une profession publique avec sa hiérarchie et ses grades, qui sont la récompense du mérite et des services rendus. Chaque fonctionnaire d’un certain rang se voit surveillé par son collègue, tandis qu’il en surveille un autre à son tour. C’est ainsi que les Taïcouns, dans leurs jours de puissance, ont institué la charge d’un grand juge, habitant à Miako un palais en face de celui des Mikados, en apparence avec la mission de veiller à leur sûreté, mais en réalité avec celle de rendre compte de leurs moindres actions. Les princes ont des espions attachés à leurs personnes avec la charge de tenir au courant de leur conduite le gouvernement de Yedo ; c’est alors une profession pleine de périls, où la plus grande habileté est nécessaire. Eux-mêmes ont leurs agents à la cour du Taïcoun. Enfin le respect invétéré du peuple pour la suprématie des hautes classes fournit à celles-ci de faciles moyens de contrôle mutuel. On peut donc dire qu’une moitié du Japon espionne l’autre, et comme, d’autre part, toute désobéissance à un ordre, souvent même un simple insuccès, entraîne les châtiments les plus rigoureux, il en résulte pour le gouvernement central une grande obéissance de la part de ses fonctionnaires et une soumission absolue des basses classes à tous ses ordres. Nous en verrons plus loin de curieux exemples.