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comment les choses se passaient : l’instruction à peu près terminée, un inculpé sur le point d’être arrêté me suppliait, dans l’intérêt de sa famille qui allait pâtir de son emprisonnement, de le laisser libre afin de pouvoir travailler jusqu’au moment où la justice aurait à statuer, me promettant de se représenter à toute réquisition. Dans l’impossibilité d’exiger une caution pécuniaire, je m’adressais au chef du douar ou de la tribu, qui s’engageait à le surveiller, à le faire avancer à l’ordre et à me l’amener au besoin. L’inculpé, ne voulant pas trahir la foi de ses coréligionnaires et se sentant d’ailleurs tenu à l’œil, mettait son honneur à s’exécuter ponctuellement. Ils ne m’ont fait faux bond que deux fois. Un jour l’homme que j’attendais ne se présenta pas le lendemain non plus. Il y avait à cela la meilleure des raisons : il était mort dans l’intervalle. La seconde fois le délinquant ne comparut que trois jours après.

« J’avais, me dit-il, à traverser la Mekerra qui était débordée. J’ai attendu du matin au soir, sur le bord, que l’eau s’écoulât, elle grossissait toujours. Alors j’ai rebroussé, et je suis allé à Bel-Abbès. Je me suis présenté au greffe de la Justice de paix, où j’ai exposé mon embarras, demandant une attestation. Le greffier m’a répondu que j’étais fou,