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Quelques jours seulement avant la date fatale, se souvenant brusquement du danger qui les menaçait, ils se mirent en route en lâchant le linot, dont la cage, depuis la première heure, avait toujours été munie régulièrement de grains nourrissants et variés.

À la suite de l’oiseau qui, sûr de son chemin, voletait dans une direction fixe, ils fournirent plusieurs longues étapes et eurent enfin connaissance d’un bois immense plein de bruissements de plumes et de pépiements. Le linot s’arrêta, leur indiquant ainsi qu’ils venaient d’atteindre le Fuglekongerige.

Il faisait grand jour et le soleil étincelait dans un ciel radieux.

Tout à coup les onze frères, terrifiés, virent apparaître la sphère d’eau annoncée par la fée ; ils cherchèrent vainement le mot préservateur, depuis longtemps oublié au milieu d’innombrables orgies.

La boule approchait, dessinant sur le sol une ombre pâle qui d’abord éclipsa le linot, réduit par la fatigue à sautiller péniblement sans faire usage de ses ailes. L’oiseau, comme foudroyé, tomba mort avant d’avoir pu exhaler une plainte.