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furent tracés, pour servir de titres, l’un, à l’endroit, au-dessus de la première colonne, l’autre, à l’envers, au-dessous de la seconde. En effaçant quotidiennement à partir du début de la page, toujours avec l’épine, l’eau et la poudre d’or, un des cinquante noms appelés désormais à représenter ses cinquante dernières journées de réclusion, Gérard verrait à la fois augmenter son actif, constitué par le nombre de jours accomplis, et diminuer son passif, ou somme des jours encore à faire.

Il s’imposerait, à chaque rature, la tâche d’apprendre par cœur, entre son lever et son coucher, tout ce qui traiterait du nom biffé dans les pages désignées par l’index.

Ainsi mis par lui-même, de façon saisissante, en possession de la stricte obligation voulue, le prisonnier, commençant sur l’heure, se conforma, sans fléchir, à sa ligne de conduite, trouvant à souhait l’oubli dans ses arides exercices de mémoire.

Trois semaines avant la date fatale, il crut rêver, en recevant dans ses bras Clotilde, qui, folle de joie, apportait au camp la somme libératrice. Jadis fort liée avec elle au couvent, une