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Les deux chevaux sur leurs harnais ont des grelots
Vieux, bosselés parfois, considérables, gros ;
Le vent s’engouffre dans les deux fortes crinières,
Les soulève, et les rend plus fougueuses, plus fières ;
Las, paresseux et mal disposé, le cheval
De droite avance trop la tête et la tient mal ;
Il sent de la fatigue et couche les oreilles.
Les rênes ont servi beaucoup, elles sont vieilles,
Et l’usure se voit partout sur les harnais ;
Malgré tout, les grelots émoustillants et gais
Mettent un peu d’ardeur et de coquetterie
Dans l’équipage ; c’est comme une agacerie
Pour les chevaux, comme un incessant stimulant
Pour les ragaillardir dans le mouvement lent
Aussi bien que dans les allures plus rapides.
Le cocher sans livrée, en bourgeois, tient ses guides
Avec mollesse et sans tirer dessus ; il fait
Dans le vide, sur la route, avec son grand fouet,
Un claquement sans but, inutile et pour rire ;
L’élan entraîne la mèche et lui fait décrire