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Trois joueurs tirent l’œil en émergeant ; ils font
Des sons graves sur trois contrebasses énormes
Qui dressent fièrement leurs manches uniformes ;
C’est l’accompagnement, la base, le soutien
De l’orchestre qui marche et s’échafaude bien ;
Les cordes fortement résistantes et grosses
Ne sont pas sans cesse en transition ni fausses ;
Elles perdent l’accord seulement quelquefois ;
Les trois hommes baissant les yeux tiennent leurs doigts
Très écartés, car un spacieux intervalle
Nécessitant un saut agile, s’intercale
Entre les sons les plus strictement contigus,
Même s’ils sont déjà hauts, resserrés, aigus.
Un des joueurs, cassé, vieux, se voûte et s’affaisse.
Un homme tient à deux genoux sa grosse caisse ;
Il dévore le chef d’orchestre du regard
Afin de ne donner ni trop tôt ni trop tard
Le coup vivifiant, magistral, qu’il apprête ;
Il va marquer avec précision le faîte
Du crescendo ; pour mettre encore plus d’éclat