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Près de lui, moins lyrique, un gai compère imite
En se donnant du mal un joueur de clairon ;
Il retient soi-disant son souffle pour le son
Qu’il veut rendre éclatant dans les notes qu’il pousse
Et qu’il jette par sa mimique ; c’est son pouce
Pointé contre sa bouche en s’écartant un peu
Qui, par sa pose et par sa place lui tient lieu
D’étrange, d’inutile et muette embouchure,
Et sa main sans beaucoup de vérité figure
Le reste de ce qu’on suppose à l’instrument,
Ses doigts se prêtant à la forme en se fermant ;
L’homme soigne beaucoup son pas ; c’est un modèle
De sévérité pour soi-même et de beau zèle
Quant à la marche ; il est exagéré plutôt
Et lève les genoux trop nettement, trop haut ;
Il se fait, gardant son sérieux, une tête
Volontairement nulle, abasourdie et bête ;
C’est le pince-sans-rire endurci, le farceur
Dont on ne croit plus un mot ; il est connaisseur
Dans l’art de préparer quelque savante charge